SITARANE

     Il y a très longtemps, vivait un homme appelé Sitarane. Il était né au Mozambique, en Afrique de l'est, et avait quitté son pays en 1905 pour s'établir à la Réunion en tant qu'engagé. Il commença sa carrière dans une plantation à Saint Benoît, mais ce travail ne lui plut pas. Il le quitta au bout d'un an pour s’exiler dans le sud de l'île. C'était un homme qui ne se laissait jamais faire. Il était toujours en guerre contre ses patrons, et parvenait difficilement à garder ses emplois. En dehors de ça, il ne fit jamais parler de lui, jusqu'au jour où il fut accusé d'avoir commis des meurtres horribles.

     Sa carrière criminelle commença en 1908 dans le sud de l'île de la Réunion, par une série de cambriolages. Ces vols avaient lieu la nuit : Sitarane visitait les maisons pendant que leurs occupants dormaient. Peu à peu, les habitants du sud commencèrent à avoir peur. Mais la véritable psychose commença le 20 mars 1909 quand Hervé Deltel, un jeune propriétaire qui devait bientôt se marier, fut retrouvé mort chez lui. La somme qu'il avait réunie pour son mariage avait été volée. Plus étrange, son chien pourtant réputé féroce n'avait pas eu le temps de réagir et semblait plongé dans un profond sommeil. Les enquêteurs ne trouvèrent aucun indice et ne comprenaient pas la technique utilisé par les malfrats pour commettre leur crime. Mais le meurtre d’Hervé Deltel ne fut que le début.

     Le 11 août 1909, Lucien Robert , un instituteur de Saint Pierre fut retrouvé mort en compagnie de sa femme gisant sur leur lit, couverts de sang. On découvrit plus tard que la jeune femme était enceinte et qu'elle avait été violée plusieurs fois.
     Le premier adjoint du maire de Saint Pierre fut affolé. Il alla jusqu'à consulter une voyante de Saint Denis pour qu'elle aide les enquêteurs à arrêter le criminel. Malgré tous les efforts personne ne réussit à mettre la main sur la troupe du sud. Fin septembre 1909, la bande du sud s'attaqua à la propriété de Charles Roussel, qui parvint grâce à son fusil à faire fuir les voleurs. Ces derniers laissèrent sur place certains objets: deux sacs, deux chapeaux, six armes et de la poudre jaune. La poudre jaune en question était un mélange de Cannabis et d'autres produits que les voleurs soufflaient à travers les serrures pour pourvoir endormir les habitants de la maison et ensuite les dévaliser. Les gendarmes demandèrent à la population de venir examiner les objets retrouvés chez Charles Roussel pour voir s'ils connaissaient les propriétaires. Rapidement, un homme prétendit que les deux chapeaux appartenaient à un dénommé Sitarane et à un certain Emmanuel Fontaine qui était menuisier au Tampon. Les deux hommes furent arrêtés et, durant leur interrogatoire, il dénoncèrent leur chef, un certain Pierre- Élie Calendrin, plus connu sous le surnom de Saint-Ange car il connaissait la magie. Les gendarmes ne mettront pas la main immédiatement sur Saint Ange. Ce n'est qu'en décembre 1909, que des agriculteurs réussirent à le capturer alors qu'il s'était réfugié dans une cabane bâtie sur le champ d'un des leurs. Les enquêteurs se rendirent compte que le petit groupe s'était mis à assassiner les gens pour recueillir leur sang et pratiquer la magie noire. Saint-Ange réunissait ses adeptes autour d'un feu et il leurs faisait boire le sang de leurs victimes en prétendant que cela les rendrait immortels.

     Un premier procès, en 1910, condamna à mort les trois criminels. Mais ils demandèrent un pourvoi en cassation, et le nouveau verdict confirma celui du premier procès, mais uniquement pour Sitarane et Emmanuel Fontaine. Saint-Ange, en effet, eut la vie sauve et fut simplement condamné à la prison à vie en Guyane. Aujourd'hui l'ironie veut que certains Réunionnais, attirés par une carrière criminelle, vouent un culte à Sitarane en oubliant que c'est Saint Ange qui était le véritable sorcier. L'une des raisons, qui explique cette erreur, est que Sitarane aurait demandé a être baptisé juste avant d’être exécuté. Il avait voulu dire ADIEU à sa vie passée pour se donner une chance de rejoindre le paradis. Le culte voué à Sitarane est toujours d'actualité. Il est rendu au cimetière de Saint Pierre, là où se trouvent sa tombe et sa dépouille. Les gens déposent des paquets de cigarettes et des verres de rhum sur sa pierre tombale en espérant que l’esprit de Sitarane les aidera à accomplir leurs méfaits.

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  SITARANE, by Léa Lesport

A long time ago, lived a man called Sitarane. He was born in Mozambique, in eastern Africa, but left his country in 1905 for Reunion Island in order to work as an enlisted man. He began his career in a plantation in Saint Benoît, but he didn’t like his job. He left it after a year to live in the south of the island. He was a strong man. He was always struggling with his employers, and had problems keeping his jobs. However no one had ever heard of him, until the day he was accused of horrible murders.

His criminal career started in 1908 in the south of Reunion Island with a series of burglaries. The thefts took place at night : Sitarane broke into houses when their owners were sleeping. As time went by, the inhabitants of the south of the island started to be afraid but the true psychosis really began on the 20^th of March 1909, when Hervé Deltel, a young owner who was going to get married, was found dead at his house. The money he gathered for his wedding was stolen but the weirdest thing was that his fierce dog didn’t attack the thieves and seemed to be slumbering. The investigators didn’t find any clue and didn’t understand how the scoundrels committed their crimes. Hervé Deltel’s murder was only the first in a long series.

On the 11^th August 1909, Lucien Robert, a teacher from Saint Pierre, and his wife were found dead, lying on their bed, covered with blood. It was discovered later that the young girl was pregnant and that she was raped several times.
The first deputy mayor was panic-stricken. He went to Saint Denis to see a seer to help the investigators to arrest the criminal. In spite of all the efforts, no one found the « group of the south ». At the end of September 1909, the group attacked Charles Roussel’s property but he managed to chase them away with his gun. There, they forgot some objects : two bags, two hats, six weapons and a yellow powder. The yellow powder was a mixture of Cannabis and other products that the thieves blew through the locks of their victims’ houses to make them fall asleep and then rob them. The cops asked the population to come to Charles Roussel’s house to examine the objects and see if they knew who they belonged to. Quickly, a man claimed that the hats belonged to a man called Sitarane and to Emmanuel Fontaine, a carpenter in Tampon. The two men were arrested and during the questioning, they denounced their leader, Pierre-Eli Calendrin, known as Saint-Ange because of his use of magic. The cops didn’t find Saint-Ange until December 1909 when farmers captured him while he was seeking refuge in a hut in the fields of one of them. The investigators figured out that the group murdered people to collect their blood and practice black magic. Saint-Ange gathered his adepts around a fire and made them drink their victims’ blood pretending that they would become immortal.

In 1910, the first trial sentenced the three criminals to death. They appealed the verdict but Sitarane and Emmanuel Fontaine lost their appeal and were sentenced to death. However Saint-Ange avoided the death penalty and was only condemned to be a prisoner for the rest of his life in Guyana. Today, ironically, some inhabitants of Réunion Island, attracted by a criminal career, worship Sitarane, forgetting that Saint-Ange was the real wizard. One of the explanations for this mistake is that people say Sitarane asked to be christened before his execution as he wanted to leave his past life behind to have a chance to go to heaven. The cult to Sitarane still exists today. People leave cigarettes and glasses of rum on his grave, in Saint Pierre cemetery, hoping his spirit will help them to accomplish their misdeeds.